Mes enfants très chers, Sœurs, Frères et Pères,
Cette lettre étant très personnelle, j’ai voulu
l’écrire de ma propre main, mais il y a tant de choses
à dire… Mais même si elle n’est pas de ma main,
elle sort de mon cœur !
Jésus veut que je vous dise encore combien il a d’amour
pour chacun d’entre vous au-delà de tout ce que vous pouvez
imaginer. Je m’inquiète de ce que certains d’entre
vous n’aient pas encore vraiment rencontré Jésus
– seul à seul - vous et Jésus seulement. Nous pouvons
certes passer du temps à la chapelle, mais avez-vous perçu
– avec les yeux de l’âme – avec quel amour il
vous regarde? Avez-vous vraiment fait connaissance avec Jésus
vivant, non pas à partir de livres mais pour l’avoir hébergé
dans votre cœur ? Avez-vous entendu ses mots d’amour ? Demandez
la grâce: il a l’ardent désir de vous la donner.
Tant que vous n’écouterez pas Jésus dans le silence
de votre cœur, vous ne pourrez pas l’entendre dire «J’ai
soif!» dans le cœur des pauvres. N’abandonnez jamais
ce contact intime et quotidien avec Jésus comme personne réelle
vivante, et non pas comme pure idée.
Comment pourrions-nous passer un seul jour sans écouter Jésus
dire «Je t’aime»… C’est impossible! Notre
âme en a besoin autant que notre corps a besoin de respirer. Sinon,
la prière meurt et le méditation dégénère
en simple réflexion. Jésus veut que chacun de nous l’écoute,
lui qui vous parle dans le silence du cœur. Soyez attentifs à
tout ce qui pourrait empêcher ce contact personnel avec Jésus
vivant. Le diable essaiera de se servir des blessures de la vie, voire
de vos propres fautes pour vous persuader qu’il n’est pas
possible que Jésus vous aime réellement.
Attention: ceci est un danger pour nous tous. Mais le plus triste est
que cela est complètement contraire à ce que Jésus
voudrait et attend de vous dire. Pas seulement qu’il vous aime,
mais davantage: qu’Il vous désire ardemment. Vous lui manquez
quand vous ne vous approchez pas de lui. Il a soif de vous. Il vous
aime en permanence, même quand vous ne vous en sentez pas dignes.
Lorsque vous n’êtes pas acceptés pas les autres –
ou même parfois par vous-même – il est celui qui,
toujours, vous accepte.
Mes enfants, vous n’avez pas à être différents
(de ce que vous êtes dans la réalité) pour que Jésus
vous aime. Croyez simplement que vous lui êtes précieux.
Apportez vos souffrances à ses pieds et ouvrez seulement votre
cœur pour qu’il vous aime tels que vous êtes. Et lui
fera le reste.
Chacun de vous sait, en sa conscience, que Jésus l’aime,
mais, avec cette lettre, je voudrais plutôt m’adresser à
votre cœur. Jésus désire remuer nos cœurs pour
ne pas perdre notre premier amour, spécialement à l’avenir,
quand je vous aurai quitté.
C’est pourquoi, je vous demande de lire cette lettre devant le
Saint-Sacrement, là-même où elle est écrite,
afin que Jésus lui-même puisse parler à chacun de
vous. Pourquoi vous dis-je cela ? La lettre du Saint-Père sur
«J’ai soif ! » m’a tellement frappée
que j’aurais du mal à vous dire ce que j’ai ressenti.
Cette lettre m’a permis de découvrir encore davantage la
beauté de notre vocation. Combien est grand l’amour de
Dieu envers nous pour qu’Il ait choisi notre Société
(Congrégation) afin d’étancher cette Soif de Jésus
– soif d’amour, soif d’âmes – en vous
donnant une place spéciale dans son Eglise.
Et en même temps, nous rappelons au monde cette Soif, en passe
d’être oubliée. J’ai écrit au Saint-Père
pour le remercier. Cette lettre du Saint-Père est un signe dans
cette «grande soif que Jésus» éprouve pour
chaque être humain.
C’est aussi un signe pour moi, signe que le temps est venu de
parler ouvertement du don fait par Dieu le 10 septembre 1946: d’expliquer
– autant que je le puis – ce que signifie pour moi la Soif
de Jésus.
Pour moi, la Soif de Jésus est une chose si intime, que, jusqu’à
présent, la timidité m’a empêché de
vous parler de ce qui arriva à ce sujet le 10 septembre. Je pensais
imiter ainsi Notre Dame qui «gardait toute ces choses dans son
cœur». C’est pourquoi je n’ai pas tellement parlé
du «J’ai soif!», en particulier en public. Pourtant
mes lettres et instructions la désignent toujours, montrant les
moyens d’étancher cette Soif par la prière, l’intimité
avec Jésus et le respect de nos vœux, surtout le quatrième.
Pour moi, il est très clair que tout chez les Missionnaires de
la Charité (M.C.) vise uniquement à étancher la
Soif de Jésus. Ses paroles, écrites sur le mur de toute
chapelle M.C., ne sont pas passées, mais vivantes, ici et maintenant,
dites pour vous. Le croyez-vous? Si oui, vous entendrez et vous sentirez
sa présence.
Laissez-le devenir aussi intime en vous qu’il est en moi; ce sera
la plus grande joie que vous puisiez m’offrir. J’essaierai
de vous aider à comprendre, mais c’est Jésus lui-même
qui est seul à pouvoir vous dire «J’ai soif !»
Ecoutez votre propre nom. Et pas seulement une fois. Chaque jour si
vous écoutez avec votre cœur, vous entendrez, vous comprendrez.
Pourquoi Jésus dit-il «J’ai soif !»? Il est
très difficile à expliquer avec des mots… Pourtant,
si vous deviez retenir une seule chose de cette lettre, que ce soit
ceci: «J’ai soif !» est une parole beaucoup plus profonde
que si Jésus avait simplement dit «Je vous aime».
Tant que vous ne saurez pas, et de façon très intime,
que Jésus a soif de vous, il vous sera impossible de savoir celui
qu’il veut être pour vous; ni celui qu’il veut que
vous soyez pour lui.
Le cœur et l’âme des M.C. consiste exclusivement en
ceci: La Soif du Cœur de Jésus, caché dans les pauvres.
Voilà la seule source de tout ce qui fait la vie des M.C.
Cela vous donne, et notre but et notre quatrième vœux, et
l’esprit de notre Congrégation. Etancher la Soif de Jésus
vivant parmi nous est la seule raison d’être de cette Congrégation
et son unique objectif. Dites, pouvons-nous en dire autant de nous-mêmes,
à savoir que cela est notre seule raison de vivre? Pour le savoir
posez-vous donc la question suivante: à supposer que la Soif
de Jésus ne soit plus notre but et ne soit plus inscrite au mur
de notre chapelle, est-ce que cela entraînerait une quelconque
différence dans ma vocation et dans ma relation avec Jésus
et dans mon travail? Cela changerait-il quelque chose à ma vie?
En ressentirai-je une quelconque perte? Posez-vous ces questions honnêtement
et que, pour chacun, ceci soit un test pour découvrir si la Soif
de Jésus est une réalité vivante dans sa vie et
pas simplement une belle idée…
«J’ai soif!» (Jn 19,28) et «C’est à
moi que vous l’avez fait» (Mt 25,40): rappelez-vous toujours
qu’il faut lier ces deux paroles, c’est-à-dire le
moyen avec le but. Que nul ne sépare ce que Dieu a uni.
Ne sous-estimez pas vos moyens si concrets – le travail pour les
pauvres, aussi petit ou humble qu’il soit – qui font de
notre vie une chose si belle aux yeux du Seigneur. Ce sont les dons
les plus précieux de Dieu à notre Congrégation,
à cause de cette présence cachée mais si proche
de Jésus, si capable de nous toucher.
Sans notre travail pour les pauvres, notre but disparaîtrait,
et la Soif de Jésus se réduirait à des mots vides
de sens et de réponse. Mais en unissant les deux, notre vocation
de M.C. restera vivante et réelle, telle que Notre Dame l’a
demandé.
Soyez aussi avisés dans le choix de prédicateurs de retraite.
Tous en effet ne comprennent pas bien notre esprit. D’ailleurs,
même s’ils étaient savants et saints, cela n’impliquerait
pas pour autant qu’ils perçoivent forcément bien
notre vocation. Par ailleurs, s’ils venaient à vous dire
quelque chose de différent de ce que j’écris dans
cette lettre, je vous supplie de ne pas les écouter, ni de les
laisser vous plonger dans la confusion. La Soif de Jésus et le
foyer, le point de convergence, le but de tout ce que sont et font les
Missionnaires de la Charité.
L’Eglise l’a confirmé plusieurs fois : «notre
charisme est d’étancher la Soif de Jésus, Soif d’amour
pour les âmes, en travaillant au salut et à la sanctification
des plus pauvres parmi les pauvres». Cela, et rien que cela. Rien
d’autre. Faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger
ce don de Dieu à notre Congrégation.
Chers enfants, faites-moi confiance et soyez très attentifs à
ce que je vous dis maintenant: seule la Soif de Jésus, accompagnée
de notre écoute et notre recherche et de notre réponse
très cordiale, seule cette Soif gardera notre Congrégation
vivante après que je vous aurai quittés. Si elle constitue
le fond de votre vie alors tout ira bien pour vous. Un jour je vous
aurai quittés, mais la Soif de Jésus ne vous quittera
jamais. Jésus assoiffé dans les pauvres, vous l’aurez
toujours avec vous.
C’est pourquoi je veux que les Sœurs actives et les Frères
actifs, les Sœurs contemplatives avec les Frères et les
Pères s’aident mutuellement à rassasier Jésus
à étancher sa Soif au moyen de leurs dons respectifs:
en se soutenant, en se complétant les uns les autres, de sorte
que vous formiez une famille unie autour de ce (seul) but et de cet
objectif unique. Veillez à ne tenir les Coopérateurs,
ni les laïcs M.C., à l’écart de cette demande,
car cette vocation est aussi la leur. Aidez-les plutôt à
la connaître.
Parce que le premier devoir du prêtre est le ministère
de la prédication, j’ai demandé, il y a quelques
années à nos Pères, de commencer à prêcher
sur ce thème : «J’ai soif!» pour entrer plus
avant dans le don que Dieu nous a fait le 10 septembre. Et comme je
sens bien que Jésus désire beaucoup cela d’eux,
dans les temps à venir, priez donc Notre Dame de les garder attentifs
à cet aspect important de leur quatrième vœu. Notre
Dame nous aidera tous a demeurer fidèles puisqu’elle fût
– avec Saint Jean, et, j’en suis sûre, Marie Madeleine
– la première personne à entendre ce cri de Jésus
«J’ai soif!» Etant au Calvaire, elle connaît
l’intensité et la profondeur de cet ardent désir
de Jésus pour vous et pour les pauvres. Mais nous autres, le
connaissons-nous…? le sentons-nous comme elle? demandez-lui de
vous l’apprendre car vous et toute la Congrégation êtes
à Elle. Sa mission est de vous amener à regarder en face
l’amour du Cœur de Jésus crucifié comme cela
arriva à Jean et Madeleine.
Auparavant, Notre Dame me le demandait mais maintenant c’est moi
qui, en son nom, vous le demande, vous en supplie: «Ecoutez la
Soif de Jésus». Que cela soit pour chacun ce que le Saint
Père dit dans sa lettre: une Parole de vie.
Comment vous approcher de la Soif de Jésus? Un seul secret: plus
vous viendrez à Jésus, mieux vous connaîtrez sa
soif.
«Repentez-vous et croyez en l’Evangile» nous dit Jésus.
De quoi faut-il nous repentir? de notre indifférence, de notre
dureté de cœur.
Et que faut-il croire? que Jésus a soif, dès maintenant
de votre cœur et des pauvres. Lui qui connaît votre faiblesse,
désire néanmoins seulement votre amour: il veut simplement
que vous lui laissiez une chance de vous aimer. Il est le Maître
du temps. Chaque fois que nous nous approchons de lui, il nous associe
à Notre Dame, à Saint Jean, à Marie Madeleine.
Ecoutez-le. Ecoutez-le prononcer votre propre nom. Et ainsi faites que
ma joie, et la vôtre, soient complètes.