"À vin nouveau, outres neuves..."
[Mc 2, 22]
La conversion du cœur
doit s’exprimer concrètement dans une « vie nouvelle » (Rm 6, 4), offrir des outres neuves pour le vin nouveau d’un renouvellement, « mettre la Parole en pratique : ‘‘ne soyez pas seulement des auditeurs qui s’abusent eux-mêmes ’’ ! » (Jc 1, 22). Être un Prêtre Coopérateur devrait impliquer un vrai changement dans notre façon de vivre et pas simplement dans notre façon de penser. « Menez seulement une vie digne de l’Evangile » (Ph 1, 27), « digne de l’appel que vous avez reçu » (Ep 4, 1).
Comme nous l’avons déjà dit, conversion et renouveau sont fondamentalement un processus de commencement, mais ce commencement doit être concret, doit trouver des « outres neuves » : des changements organisés ou des initiatives capables de porter et de canaliser ce désir de renouveau. Ce processus de conversion ne va donc pas demander seulement une conversion du cœur, mais un projet de vie, un projet assez simple pour être « vivable » et en même temps assez exigeant pour permettre un vrai changement.
La formation d’un programme de vie devra comprendre des principes universels et les adapter aux zones spécifiques des besoins de chacun. Par exemple, nous aurons non seulement à nous demander si nous recherchons la volonté du Père, mais plus important encore, si ce que nous faisons maintenant est ou n’est pas Sa volonté, est ou n’est pas fait purement pour Sa gloire, etc…
C’est pourquoi la première étape dans l’organisation d’un programme de renouveau, c’est de « nous examiner nous-mêmes » (2 Co 13, 5), avec beaucoup d’honnêteté et de précision et, par-dessus tout, de demander au Seigneur lui-même de nous éclairer sur ce qu’Il voudrait nous voir changer ou améliorer : « Tout cela je l’ai gardé ; que me manque-t-il encore ? … » (Mt 19, 20).
Le Seigneur parlera certainement ; Il répondra certainement à nos questions, si seulement nous avons le courage de les poser. Permettez-nous d’offrir quelques « points de départ », confiants dans le Seigneur qu’Il complètera :
Nous nous sommes donnés au Christ lors de notre ordination, mais aujourd’hui sommes-nous arrivés à laisser toute la place à l’Esprit du Christ ?
Les autres doivent pouvoir rencontrer en nous quelqu’un qui connaît vraiment le Jésus dont il parle. Sommes-nous conscients de notre pauvreté spirituelle ? Sommes-nous conscients de nous contenter souvent de prêcher ce que d’autres ont écrit ?
Est-ce que nous parlons d’expérience quand nous prononçons les mots de Dieu, Jésus, Esprit Saint ?
Il y a souvent un immense orgueil à la racine de nos difficultés à nous rapprocher du Christ. Est-ce que nous faisons confiance à nous-mêmes, à notre théologie, notre psychologie, nos plans pastoraux, plus qu’à la prière et à la conduite de l’Esprit Saint » ? (Muhlen)
Est-ce que nous nous sommes laissés enfermer dans un style de vie qui reflète peu l’esprit de l’Evangile ou le style de vie de Jésus ?
Est-ce que nous avons perdu notre zèle, tombant sous la loi du moindre effort et du maximum d’aise et d’indolence ? Sommes-nous attachés à notre sacerdoce seulement comme d’honnêtes fonctionnaires et non comme ceux à qui a été confiée la mission d’apporter le feu sur la terre ? (R. Coste)
Est-ce que nous avons laissé notre ministère devenir une carrière, un canal pour notre ambition, notre succès, notre avancement ?
Est-ce que nous avons petit à petit perdu de vue la dimension essentiellement spirituelle de notre ministère en oubliant que Son Royaume n’est pas de ce monde ?
Est-ce que nous nous efforçons de garder la pureté de cœur ? Assez généreux pour faire tous les sacrifices nécessaires pour y arriver ? (Mt 5, 29)
Dans le désir d’être populaires, d’être applaudis, est-ce que nous avons trahi l’évangile et le Seigneur, comme Pierre en train de se réchauffer près du feu ? Est-ce que nous évitons de prêcher des vérités impopulaires ou de prendre des positions impopulaires ?
Est-ce que la prière est devenue une corvée pour nous ? Est-ce qu’il nous arrive de faire l’effort de sortir d’une prière superficielle qui ne pourra jamais rien changer en nous pour entrer dans une prière profonde, celle qui est une rencontre face-à-face avec le Seigneur ?
Est-ce que nous profitons pour nous-mêmes du pardon du Seigneur qu’Il nous accorde dans le Sacrement de Réconciliation ?
Est-ce que nous prenons du temps pour prier avant la Messe, afin de vraiment prier la Messe et pas simplement la dire ?
Le processus de renouveau est continuel. Même si nous ne lui sommes qu’occasionnellement fidèles, le Seigneur nous rapprochera toujours de Lui, nous montrera toujours davantage combien Il nous aime et combien Il attend notre amour. Le Mouvement regarde les « Exercices » de Saint Ignace comme un instrument particulièrement efficace pour garantir et approfondir ce processus de renouveau ; ils ne sont pas seulement une expérience isolée, mais tout un programme en eux-mêmes pour intérioriser au quotidien les réalités de l’évangile.
Comme nous l’avons dit plus haut, nous pensons qu’une proposition exigeante, simple et concrète est la base de tout projet de vie efficace. Dans ce but, nous proposons trois éléments de base qui peuvent fournir un canevas constructif pour un projet personnel (ces trois points peuvent aussi servir pour l’évaluation de routine de nos progrès).
Prière : Demandez-vous comment vous priez maintenant et comment vous voudriez prier. Par dessus tout, prévoyez un temps quotidien pour une prière profonde, à un moment et en un lieu où vous ne serez pas dérangé (même si vous n’avez pas été fidèles, recommencez !). Cette prière sera très féconde si elle est faite en présence du Sacrement qui est la source de notre prière et de notre sacerdoce.
Style de vie : Reconnaissez-vous l’évangile dans votre style de vie actuel ? Demandez la grâce et commencez à simplifier. Cela vous apportera libération intérieure et joie. « Si tu veux être parfait… »
Charité : Est-ce que je vis pour étancher en mes frères la soif du Christ ? Est-ce mon but premier dans mon ministère ? Est-ce que je m’efforce toujours de rayonner la charité et la compassion du Christ dans tous les aspects du ministère en paroles et en actes ? « A ceci nous avons connu l’amour : Celui-là a donné Sa vie pour nous. Et nous devons nous aussi donner notre vie pour nos frères » (1 Jn 3, 16).
Ces trois éléments sont vitaux pour notre renouveau, mais la prière est de loin le plus important, la clé pour les vivre tous les trois. Nous pouvons bien écrire de nombreux points en esquissant les grandes lignes de notre projet personnel, mais qu’il y ait une seule et inviolable résolution à tenir à tout prix : un temps quotidien de prière devant le Saint Sacrement. Cette pratique à elle seule sera une garantie pour le reste et le revitalisera, car c’est venir toucher les eaux vives, puiser aux sources vivantes de notre renouveau.
Tout en reconnaissant la primauté de la prière, il nous faut aussi reconnaître l’interconnection des trois éléments de base comme un tripode qui a besoin de ses trois pieds pour tenir debout. Aucun des trois n’est en option, mais chacun fait partie intégrante de l’ensemble. Par exemple, sans pauvreté en esprit, il est impossible de vraiment prier, car alors notre cœur est divisé dès le départ. La prière restera superficielle et tout essai d’une prière profonde nous laissera mal à l’aise tant que nous continuerons à essayer de servir deux maîtres. Comme le dit Mère Teresa : il faut être pauvre pour prier et il faut prier pour aimer.
Il n’y a qu’un dénominateur commun, et un seul, dans tous nos manquements, dans notre pauvreté, dans notre prière, dans notre charité : nous avons laissé entrer dans notre cœur et dans notre vie un autre désir que celui du Seigneur et de Sa Croix. Tant que notre cœur accueille de multiples désirs, même un seul, en dehors de Lui, non seulement nous ne seront jamais ce que le Seigneur attend de nous, mais nous ne serons jamais heureux. Paradoxalement, le désir de Jésus et de Sa croix est notre seule source de bonheur et de paix. Et c’est cela la pauvreté en esprit : ne désirer qu’une seule chose, ne désirer que le Seigneur.
Sans ce désir, nous pouvons sembler avoir tout ; en fait nous n’avons rien, nous sommes vides. Sans ce seul désir, notre sacerdoce en dépit de toutes ses réalisations, aura été gâché. Sans ce désir, nous parlerons peut-être de conversion, mais nous ne changerons jamais. Par contre, avec ce désir, en dépit de nos manquements, de nos faiblesses, de notre pauvreté intérieure, nous avons tout, car c’est ce désir qui nous changera. Même si nous voyons nos vies pleines d’autres désirs, pleine de faux-dieux, nous n’avons qu’à commencer à désirer avoir ce seul désir de Lui. Si nous plantons fidèlement ce désir dans nos cœurs, il sera comme une semence qui grandit et étend ses racines, déracinant tout le reste.
Mais ce désir n’est pas quelque chose de purement naturel, c’est un don, et un don que le Seigneur ne peut jamais refuser. Lui-même désire que nous le désirions, Il nous demande de le demander. Comme ce désir grandit, ainsi Lui grandira en nous, car la mesure de notre désir sera la mesure avec laquelle nous recevrons le Désiré. Nous n’avons qu’à demander ce seul don, le don de désirer dans nos vies Jésus seul et Sa croix, et que ce désir aille toujours croissant. Et les fruits de cette demande, les fruits de ce désir seront immédiats : un accroissement de Sa paix, de Sa joie et de Sa présence, particulièrement là où nous avons été incapables de Le trouver auparavant. Et peut-être pour la première fois, alors que ce désir commence à croître en nous, arriverons-nous à comprendre l’ampleur de l’amour qu’Il souhaite et nous donner et recevoir de nous, à goûter la profondeur, la beauté et la fécondité de notre appel. Alors pour commencer notre renouveau, nous n’avons qu’à nous mettre à nourrir en nous cet unique désir qui seul peut donner force et vitalité à notre pauvreté, à notre prière, à notre ministère de charité : un désir du Seigneur seul et de Sa croix.
Peu importe si nous avons été faibles ou infidèles, ce que le Seigneur veut que nous sachions, c’est qu’Il aime chacun de nous plus que nous ne pouvons l’imaginer. Il veut nous dire à chacun personnellement : « Je t’ai gravé sur les paumes de mes mains »… « tu comptes beaucoup à mes yeux… et moi je t’aime » (Is 49, 16 ; 43, 4). Si nous ne faisons que répondre à Son invitation, si nous ne faisons que commencer à Le désirer, nous pouvons être sûrs qu’Il fera le reste, que « Celui qui a commencé en vous cette œuvre excellente en poursuivra l’accomplissement » (Ph 1, 6).